26 mars 2014

Cachez ces camps que nous ne saurions voir


Tous ces camps que les nazis ont ouverts avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, tous ces camps que le communisme a cachés dans sa vaste Sibérie. Les horreurs, la honte…
Tous ces camps que la France a disséminés sur tout son territoire de 1940 à 1945... Même s'ils ne furent aussi tragiques, silence, on n’en parle pas. Et d'ailleurs, il n’y a pas eu de camps ; n’oubliez pas que le Struthof (Bas-Rhin), était un camp nazi sur une terre annexée, et non pas occupée.
Ce fut à peu près, jusque dans les années 1980, et ça l’est encore souvent aujourd’hui, le discours de nos manuels d’histoire agréés. Nous voulons bien que, pour la France, on cite le camp du Struthof… mais de quels autres camps pourrait-on aussi parler ?

Cliquer sur les documents iconographiques pour les lire plus aisément, et en particulier sur celui-ci.

Si nos livres d'histoire évitent encore de traiter ce sujet délicat,
le mémorial de Berlin en hommage
aux Tsiganes victimes de la Seconde Guerre mondiale
a gravé dans une pierre le nom du camp de Montreuil-Bellay.

Il a fallu, instituteur de campagne habitant une petite commune de l’Anjou, Montreuil-Bellay, que j’apprenne qu’à quelques hectomètres de chez moi avait sévi le plus grand camp de concentration français pour Tsiganes – on disait alors « nomades » – pour que lentement, très lentement, la France prenne conscience d’une forfaiture que l’on avait pris grand soin de cacher, comme ces vieilles histoires de famille qui ne regardent personne.
Je pense aussi aux camps rencontrés au cours de mes recherches, et même avant, et en particulier ceux du Vernet et de Gurs, découverts dans La Lie de la T erre, ouvrage d'Arthur Koestler qui en fut victime, interné par la 3ème République finissante qui se méfiait des "étrangers", et surtout du camp des Mille, près d'Aix-en-Provence. Nous avons même utilisé des locaux du célèbre stade parisien de Roland  Garros pour cette sale besogne...
Ainsi, avant l’arrivée des Allemands, en mai-juin 1940, et après qu’ils ont quitté, défaits,  la plus grande partie de l’hexagone – le dernier camp libéré, à Angoulême, n’ayant relâché ses derniers pensionnaires qu’au début de juin… 1946 !!! – nous avons parqué derrière les barbelés d’une soixantaine de nos camps bien français cette population jamais aimée, jamais acceptée, parce qu’elle ne vit pas comme nous, les sédentaires. Ce n’étaient pas, bien sûr, des camps d’extermination, ni même de travail, ni de transit, ni de rééducation, ni d’internement, ces derniers ayant été destinés à enfermer les soldats ennemis vaincus, mais seulement des camps de concentration – comme le rappellent les documents de l’époque conservés dans les Archives – dans le sens premier du terme, sens que l’on a benoîtement oublié.

Mais comme il est difficile, voire impossible en ces temps bénis de nos démocraties, de brûler les livres gênants, du moins supprimons les traces de ces camps, l’oubli reviendra bien de lui-même.

Commençons par le camp que j’ai le plus étudié, celui de ma ville, Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire).


En 1980, lorsque j'ai commencé mes recherches, c'était, avec la prison souterraine, le seul bâtiment quasiment entier qui subsistait de l'ancien camp. Pour le supprimer sans prévenir, "ON" a profité de l'aménagement, à une centaine de mètres, d'un rond-point routier qu'il ne gênait donc pas. 
Le plus simple est de cliquer sur ce lien pour retrouver une page de mon blog dans laquelle je dénonçais la destruction de ruines importantes, en plus de celles-ci, que j’avais photographiées et qui ont fortuitement disparu depuis.

J'avais retrouvé l'un des baraquements en planches du camp de la Morellerie, commune d'Avrillé-les-Ponceaux, en Indre-et-Loire, transféré après la guerre dans le jardin du presbytère de Gizeux, même département.

 Le baraquement qui a lui aussi disparu ces dernières années.

Lors d'une vente publique aux enchères, en octobre 1946, un bâtiment en dur du camp de Montreuil-Bellay a été acheté par la commune de Mauzé-Thouarsais (Deux-Sèvres) pour se donner une salle des fêtes à peu de frais...


L'ancienne salle des fêtes de Mauzé-Thouarsais a pareillement été démolie.

Plus significatif : peu avant l'inauguration d'une stèle sur le site du camp de Poitiers (Vienne), j'avais été invité pour la reconnaissance des lieux. Remarquant un vieux bâtiment derrière une station d'essence proche, j'avais demandé à Poulouche (Jean-Louis Bauer, qui avait été interné là enfant) ce que c'était. Les anciennes cuisines du camp, m'a-t-il répondu. L'ayant toujours sur moi, j'ai sorti mon appareil pour les photographier.


Quelqu'un a-t-il entendu notre dialogue ? Toujours est-il que la quinzaine suivante, le jour de l'inauguration officielle, il n'y avait plus de cuisines.

Une exception pourtant...  Lors de la même vente publique aux enchères d'octobre 1946, un boulanger de la commune de Verrue (Vienne) a lui aussi acheté un bâtiment pour le remonter dans le jardin jouxtant son domicile, dans le hameau des Chauleries. On a longtemps dansé sur le parquet de cette salle baptisée "Moulin de la Galette", et une dame m'a même donné la photo de groupe de son mariage prise juste devant. Cette fois, le bâtiment existe toujours, transformé en débarras.

 Hier, salle des fêtes pour un mariage.

Aujourd'hui, un atelier-débarras.
Sont encore visibles sur le pignon le nom et le moulin. 

Mais qui savait que sur ce même parquet avaient souffert de froid, de faim... et de nostalgie de la route, des nomades "victimes d'une détention arbitraire", comme le rappelle laconiquement la plaque de la stèle du camp de Montreuil-Bellay ? 

 La plaque de la stèle commémorative du camp de Montreuil, 
inaugurée le 16 janvier 1988. 
Elle a été profanée à coups de masse, 
puis remplacée avec le même texte :
les autorités avaient refusé l'appellation 
"camp de concentration".
 
Qui connaissait vraiment la première destination de cette salle des Chauleries à Verrue, salle des fête autrefois si pimpante ? Alors, on pouvait laisser ces vestiges anonymes qui ne gênaient... qui ne gênent personne, sauf vous qui peut-être l'ignoriez et qui alors l'apprenez ?!

10 mars 2014

Un quelconque Montreuillais et la campagne électorale

Je devrais plutôt écrire "Un quelconque individu", puisque c'est ainsi que m'appellent, par voie de presse, les ancien et actuel maires de ma si jolie petite ville.
Comme les autres honorables et quant à eux honorés citoyens, je lis les programmes pour les prochaines élections municipales, n'ignorant pas pour autant que les promesses n'engagent que ceux qui les lisent, et non pas ceux qui les font...
Je m'arrêterai à l'une d'entre elles, concernant l'attrait qu'on veut donner à la vieille cité, donner surtout pour les touristes...

J'avoue ici être devenu Montreuillais pour la seule raison du charme qu'elle m'offrit été 1971 quand, venant du Maroc où nous habitions, et nous rendant en Normandie, nous la traversâmes en voiture. Passant le pont Napoléon, je ne sais pourquoi, je tournai mon regard vers la rivière et découvris le merveilleux "tableau" du château et des îles ombragées à son pied. Nous n'allâmes pas plus loin dans notre recherche d'un pied à terre et accostâmes rive gauche du Thouet, dans le quartier de la Houdinière.
La ville a changé au cours des quatre dernières décennies, et je ne reprendrai pas ici tout ce que j'ai déjà écrit sur elle ; je ne m'attacherai qu'à quelques humeurs que facilite toute campagne électorale.

La plus douloureuse concerne le mail.

 .
Le dictionnaire Larousse de 1880, quasiment contemporain de la création de ce mail, donne comme définition au mot : Promenade publique dans certaines villes. Le Net précise : Promenade publique dans certaines villes, généralement bordée d'arbres (où l'on jouait au mail autrefois). Ce que l'on eût pu faire, jouer au mail(let) avant qu'il ne fût transformé en parterres géométriques interdits aux piétinements. Nous n'y voyons plus personne, quand autrefois s'y rassemblaient les Montreuillais et leurs hôtes devant le kiosque à musique pour écouter quelque concert ou chorale...



  Le kiosque ceinturé par des massifs et des parterres.

... s'y installaient des manèges pour la fête de la Saint-Lubin, des étals pour une brocante improvisée. Parfois, les élèves des écoles voisines y couraient en file indienne pendant les heures dites d'éducation physique sous le sifflet bienveillant du prof de gym communal.
Un lieu festif s'est désertifié par un peu magique coup de baguette...


Autrefois, un mail...
  
Aujourd'hui, un jardin paysager.
Vu du parvis de l'ancienne école des garçons.


 Au fond, l'ancienne école.


Rappel : Son vrai nom était "Mail Aubelle", parce qu'il fut aménagé et inauguré - en 1885 - par René-Alcide Aubelle, alors maire de la ville. Oublieux, ingrats... ou galants, les Montreuillais ont préféré l'appeler "Mail aux Belles". Mais de belles, on n'en y rencontre donc plus guère...

Encore à propos de ce mail : l'étrange transfert du monument aux quatre célébrités locales. Erigé face à l'école des garçons - la carte postale ci-dessus - pour offrir à leur vue des modèles à étudier, voire à imiter, il se retrouve maintenant, amputé de son socle symbolique de la hauteur des modèles, caché derrière le kiosque à musique. 
Vous me direz que les édiles l'ont placé là pour accueillir les vieillards en balade digestive de la maison de retraite que sont devenus les écoliers d'autrefois. Délicate attention ?

Le monument sans socle 
face à l'une des sorties de la Maison de Retraite.

Une belle attention pour les touristes... et les Montreuillais ?
Je veux parler des toilettes modernes dans le jardin, lui aussi paysager, qui jouxte la médiathèque installée dans l'ancienne école des garçons. Touristes et Montreuillais assis sur ses bancs - mais je n'y encore vu personne à ce jour d'assis - n'auront pas à s'inquiéter d'une envie pressante puisqu'ils ont sous leurs yeux les "lieux" salvateurs, car c'est aussi ainsi que se nomment les cabinets d'aisances, des "lieux". 
On a donc pensé à eux... mais ne faudrait-il pas maintenant, par un panneau indicateur, annoncer l'incongru édicule libérateur aux passants non avertis et en pénible situation ?
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 L'édicule libérateur avec vue sur l'outarde indigène 
et le beau vaisseau restauré des Grands Augustins.

Restons dans le quartier...
... et accompagnons les touristes qui nous demandent parfois de les guider. Quand nous passons rue Duret qui nous conduit au mail, demandons-leur surtout de tourner la tête vers ce qui reste de l'ancien petit mail et le monument aux morts pour éviter de voir, sur le gauche, une vieille cicatrice que j'ai déjà évoquée l'an passé...
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Pourquoi n'a-t-on pas encore restauré le pilier droit du portail pour lui rendre l'aspect de son jumeau de gauche au parement sur rue finement sculpté ? Ce portail conduisait autrefois aux jardins de l'ancien orphelinat, et plus anciennement, à ceux de l'ancien monastère des Augustins, entre l'enceinte de la ville et les imposants bâtiments conventuels aujourd'hui aménagés en appartements.
ON m'a dit, répété-je, que les pierres manquantes du pilier droit se trouveraient - ou se seraient trouvées à un moment-donné - dans les ateliers municipaux ???... comme cette belle plaque en bronze...


que l'on m'a demandé un jour d'identifier et qui a depuis retrouvé sa place sur le monuments aux célébrités montreuillaises du mail !

Promis, la municipalité - que ce soit l'ancienne, reconduite, ou la nouvelle, l'ancienne ayant été éconduite - s'occupera du second pilier du portail...
Et pendant qu'elle y sera, qu'elle nettoie aussi de leur lierre envahissant, et peu esthétique, les arbres du port Saint-Catherine, l'un des nombreux si beaux sites de notre si belle cité...



Après avoir voté, chers concitoyens, attardez-vous dans ces quartiers... ou plutôt, avant !  
Ce ne sont, bien sûr, qu'humeurs subjectives d'un quelconque Montreuillais qui n'est même pas candidat aux prochaines et proches élections municipales, mais qui aime sa ville.



8 mars 2014

Le château de Montreuil-Bellay

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Un certain samedi matin ensoleillé de mars 2014...

Les trois châteaux composant "le château de Montreuil-Bellay" vus du portail ouest de l'église paroissiale, autrefois collégiale des seigneurs du fief.
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Cliquer sur le cliché pour un léger agrandissement.