29 juin 2013

Joseph Toloche, un interné du camp de Montreuil-Bellay




Dossier revu le 28 juin 2013.


Joseph Toloche fut interné le 2 août 1942 dans le camp de Montreuil-Bellay.

Page 204 de mon ouvrage, Ces Barbelés oubliés par l'Histoire, publié en 1994 aux éditions Wallâda http://www.wallada.fr/, je transcrivais le témoignage d'un Montreuillais qui m'avait rapporté le destin tragique d'un Tsigane, on disait alors nomade, qui avait réussi à se faire libérer :
Un nomade, chef d'une famille, s'appelait Taloche. C'était un Hongrois, mais il se disait Belge, parce que né en Belgique. Il se procura, lui aussi, un domicile à Cersay, dans les deux Sèvres. Mais il ne s'y installa pas, préférant retourner aussitôt dans son pays natal. Là, les Allemands l'attrapèrent et l'enfermèrent dans un camp de concentration où il fut éliminé.

La véritable histoire de Joseph Toloche
C'était un témoignage et, comme tout témoignage recueilli longtemps après les faits, il comportait des erreurs que je peux corriger aujourd'hui, parce de nouvelles recherches m'ont permis de m'approcher d'une vérité toujours fuyante quand elle se rapporte à des événements de temps de guerre.

- Il ne s'appelait pas Taloche, comme me l'avait dit mon témoin montreuillais, mais Toloche, Toloche Joseph, parfois écrit Josef.

Joseph Toloche photographié en 1943 après son arrestation. (in Disparu de la Terre. La déportation des Juifs et des Tsiganes du Nord-Pas-de-Calais et de Belgique, copyright 2009 La Coupole, Centre d'Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais et Conseil général du Pas-de-Calais.)

- Etait-il Hongrois ? Les Montreuillais m'ont souvent rapporté qu'ils distinguaient deux populations différentes dans le camp, les Z'Hongrois, comme ils disaient, que nous appelons aujourd'hui Roms, originaires de l'Europe de l'Est, arrivés en Europe occidentale après la fin de l'esclavage en 1855, et les Mânouches, comme l'on nomme les Gens du Voyage dans la vallée de la Loire, arrivés pour la première fois en France en 1419.
Un texte des Archives Départementales du Maine-et-Loire vient de me confirmer qu'il était dit "Hongrois". Lettre du préfet d'Angers au sous-préfet de Saumur en date du 5 février 1943, Joseph Toloche faisant partie du groupe dont parle le préfet (arch. départementales 49 : 24 W 68) :
[...] les sanctions prises le 5 janvier dernier contre les internés appartenant aux tribus dites Hongroises.

Voici comment serait écrite aujourd'hui cette histoire de Joseph Toloche, dit Taloche.

Joseph Toloche est né le 15 avril 1912 à Florenville (Belgique), petite ville située dans le sud de la province du Luxembourg, aux confins de la Gaume et de l'Ardenne.
Pendant la guerre, nous le retrouvons dans le camp de nomades de Linas-Montléry (Essonne).
Ci-dessous, lettre manuscrite de Joseph Toloche écrite du camp de Linas-Montléry (Archives Départementales des Yvelynes, 300 W 81). Cliquer sur les documents pour les agrandir.



Selon des archives, Flor, la compagne de Joseph Toloche et mère de ses enfants, décède le 23 avril 1941 à la suite d'une fausse-couche dans le camp, fausse-couche suivie d'une infection non soignée. (in Linas-Montlhéry : un camp d’internement familial en région parisienne pour les Tsiganes et Gens du Voyage, du 27 novembre 1940 au 21 avril 1942, Isabelle Ligner).

Une lettre, postée le 6 décembre 1941 de ce camp, et rédigée par neuf chefs de familles tsiganes, est adressée au consul général belge à Paris.
Nous vous envoyons cette lettre pour vous faire savoir que pendant l'exode nous avons évacué et nous sommes partis quelques mois et nous retournions en Belgique quand nous avons été pris par les Français et mis dans un camp. Nous sommes des sujets belges et nous n'avons jamais quitté la Belgique où nos enfants et nous-mêmes nous sommes nés... Ayez la bonté, monsieur, de bien vouloir vous occuper de nous faire rapatrier le plus vite possible car depuis un an nous sommes enfermés et nous souffrons la pire des misères.
(Lettre pétition reproduite par Denis Peschanski dans son rapport édité en mai 1994 par l'IHTP, page 127)

De Linas-Montléry, Toloche et ses compagnons sont transférés dans le camp de Mulsanne (Sarthe). Le 2 août 1942, ils sont du convoi de 714 Tsiganes et clochards nantais envoyé dans le grand camp de concentration de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire).


Le camp de Montreuil-Bellay en 1944 (Archives Jacques Sigot et Jean-Claude Leblé)

Quelques jours plus tard, il retourne au Mans en compagnie de 84 autres internés, cette fois pour être mis à la disposition des usines Renault. L'une de mes correspondantes a retrouvé une fiche à son nom dans les Archives départementales de la Sarthe. Il y est dit qu'il a été arrêté le 21 avril 1942 alors qu'il vivait en roulotte, qu'il est en bonne santé, vacciné et illettré.
Le 5 septembre suivant, il revient avec ses compagnons dans le camp de Montreuil-Bellay, l'expérience n'ayant pas donné satisfaction aux usines Renault !!!

Un document des Archives Départementales du Maine-et-Loire (303 W 191) évoque des dégradations commises dans le camp de Montreuil-Bellay par Joseph Toloche et plusieurs de ses compagnons :
Le 5 janvier 1943
Des familles appartenant aux tribus dites Hongroises se sont livrées à des déprédations sur des baraquements. Ils ont fait brûler diverses menuiseries (couvre-joints, plinthes, échappes, traverses de volets, etc.).
Demande de suspension des dossiers en instance de libération des différents membres des tribus : V. Joseph, Toloche Joseph, C. Bolotcha, C. Joseph et C. Octave.

Le 5 février 1943, le préfet donne son accord pour que la famille Toloche soit libérée les chefs de famille ayant payé le montant des réparations.
Les libérations, nombreuses au cours de cette période, se tariront à partir de la mi-septembre 1943, sans doute la conséquence de l'arrestation par les Allemands du directeur, du sous-directeur et du chauffeur du camp accusés de faire partie d'un réseau de Résistance.

L'hypocrisie de l'Administration

Joseph Toloche est donc libéré en février du camp de Montreuil-Bellay. Une archive signale que par l'intermédiaire de M. Jean Jarry, expert-foncier demeurant à Montreuil-Bellay, il a précédemment loué un appartement composé de deux pièces à Rochefou, commune de Cersay (département des Deux-Sèvres) à une quinzaine de kilomètres du camp.
Noter que Joseph Toloche est dit forain à Montreuil-Bellay sans que soit précisé qu'il est alors interné dans un camp de concentration. Cachons ces choses que l'on ne saurait voir...

                                Archive privée

Le bail de deux mois, signé le 13 novembre 1942, devait commencer à courir deux jours plus tard. Un reçu, daté du 12 décembre 1942, indique que Joseph Toloche a versé 643 francs pour la location de l'appartement. Les archives ajoutent qu'il est accompagné de ses deux enfants : Bernard (12 ans) et Marguerite (9 ans), et de sa belle-mère, Madame Boudin, née Dupont (67 ans) qui s'occupe des enfants. leur mère étant décédée en avril 1941.
Monsieur Jarry, administrateur, expert-foncier à Montreuil-Bellay, était aussi l'administrateur des biens de Monsieur de Montjou, châtelain à Cersay. Selon un témoin des faits, que j'ai rencontré dans la petite ville des Deux-Sèvres, le châtelain aurait ainsi fait libérer plusieurs internés du camp e Montreuil pour les faire travailler dans la propriété.
Joseph Toloche et sa famille s'installent dans des pièces inoccupées du château, aujourd'hui disparu, ou plutôt dans des dépendances. Soit il ne supporte pas de vivre ainsi dans des murs, soit le travail lui semble trop dur, soit l'appel de la route est le plus fort, toujours est-il qu'il décide vite de retourner en Belgique.

Il est arrêté avec les siens par la Gestapo en octobre 1943 à Vimy, dans le Pas-de-Calais, près de Lens. Les Toloche sont alors parqués dans la caserne Dossin à Malines (Belgique) où ils restent plusieurs semaines en compagnie de quelque 350 nomades, dont 145 se disent Français et 121 Belges.
Le 9 décembre 1943, ils sont déportés à Auschwitz-Birkenau alors que la plupart de leurs compagnons d'infortune le seront le 15 janvier 1944. Joseph est immatriculé n° 9207, Bernard n° 9208, et Marguerite (parfois appelée Margareth) n° 9913.
Joseph, sélectionné pour travailler dans des commandos, connaît ensuite successivement les camps de Buchenwald, de Dora et de Bergen-Belsen.
Le Canard Enchaîné (n° 4762 du 1er février 2012, page 5) évoque cette période du camp et explique peut-être pourquoi Joseph Toloche a survécu ??? L'article commente une visite du camp par "un petit groupe de Tsiganes français [qui] s'est joint au pèlerinage des Juifs".
... tous écoutent Benjamin Orenstein, arrivé à Auschwitz le 4 août 1944 au lendemain de l'extermination des Tsiganes. "Avant, les SS venaient les voir jouer de la musique et danser, comme au spectacle." Les Manouches devaient être gazés en mai, "mais ils se sont armés de barres de fer, se sont soulevés, battu...". Les hommes valides ont été emmenés. Les femmes, les vieux, les enfants, les malades sont restés. Tous ont fini leur vie, le 3 août, dans les chambres à gaz.
Libéré le 15 avril 1945, Joseph Toloche fait partie des 12 survivants des 351 Tsiganes qui ont été déportés de Malines. Les enfants et leur grand-mère sont vraisemblablement disparus lorsque tous les Tsiganes du camp des Familles furent exterminés dans la nuit du 2 au 3 août 1944 dont nous venons de parler.

A Noël 2010, j'ai retrouvé Henri Carlos, petit-fils d'un interné, à Strasbourg. Il m'a confié qu'il rencontrait parfois l'été des enfants de Joseph Toloche, nés d'un second mariage.

Le 30 novembre 2012, Albert Toloche m'apprend par téléphone que son père est décédé le 27 décembre 1979.

19 juin 2013

Dans les pas d'Aliénor au château de Montreuil-Bellay

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Cliquer sur le clicher pour une meilleure lecture.


Au château de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), 
en juin et en juillet.




18 juin 2013

Balade américaine

Cliquer sur les clichés pour les agrandir

Du 31 mai au 11 juin 2013, voyage dans l'Ouest des Etats-Unis, avec Yves, mon beau-frère.
Agence Salaün Holidays, Saumur.

La fascinante découverte des paysages, quand j'étais habituellement surtout attiré par l'archéologie, les vieilles civilisations.
Le Grand Canyon du Colorado, bien sûr, mais plus encore Bryce Canyon et Monument Valley ; le lac Powel survolé en avion ; la merveilleuse ville de San Francisco, beaucoup plus agréable à vivre que Los Angeles, même si celle-ci offre le très connu Hollywood Boulevard et la belle surprise d'une Venise moderne (Venice)...
Tant à dire, comme la traversée de la Vallée de la Mort par 46° à l'ombre et la rencontre du Zabriskie Point qui, pour moi, n'était jusqu'alors que le titre d'un vieux film d'Antonioni (1970) projeté dans mon ciné club à Meknès.

Ce set de table, ci-dessus, qui reprend quelques images privilégiées...
Ne pas oublier d'évoquer les camions, beaux comme des camions, les hordes de motards, la route 66, un ancien et pittoresque village minier, le Cable Car, etc., etc. 
L'Amérique dans sa démesure... mais j'aurais du mal à y vivre... après toutes ces décennies dans la douceur ligérienne.
Les voyages, encore, toujours, le sel de la Terre.
Il faut voyager pour frotter sa cervelle contre celle d'autrui. (Michel de Montaigne)

 François, notre guide

Elena, notre chauffeuse

 Las Vegas, notre hôtel

 Grand Canyon du Colorado

 Lac Powel


Monument Valley


Vallée de la Mort, Zabriskie Point

Parc National de Yosemite 


Bryce Canyon

 Los Angeles, Walt Disney Concert Hall


Los Angeles, James Dean au Griffith Park

Los Angeles, la plage de Venice

 San Francisco et Bay Bridge

San Francisco vue de Twin Peaks 

Le Cable Car à San Francisco


Beau comme un camion


Théorie de motards sur une autoroute

 Famille dans un vieux quartier de Los Angeles

Yves et Jacques au pied d'un séquoia 

 Yves, à l'échelle du séquoia