22 févr. 2011

La Libye 2006/2011

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Sabratha, à l'ouest de Tripoli.

Mardi 22 février 2011. En ces heures sombres de la Libye à feu et à sang, me reviennent en mémoire les images inoubliées de notre voyage en octobre 2006. Nous n'étions que deux, Yves, mon beau-frère, et moi, parce que l'agence Pharaon assumait les départs à partir de deux voyageurs, et parce que le pays, disait-on, avait mauvaise réputation, n'attirait pas les touristes. Seuls souvent dans les hôtels et les restaurants. Dans ces derniers, le plus souvent servis par des garçons marocains dont c'est une spécialité.
Nous avons effectué tout le voyage en taxi, le chauffeur étant notre guide ; l'idéal, sans doute pour découvrir un pays.

Frère Yves à Benghazi.



Une mer bleue comme le ciel à qui elle vole sa couleur ; une côte hérissée de ruines grecques et romaines ; une bande de terre étroite riche de cultures ; et le désert à l'infini : quatre bandes parallèles d'inégales largeurs couvrent tout le pays d'ouest en est.

Historiquement, la même succession des périodes historiques : l'antiquité ; la civilisation berbère et islamique ; l'empreinte italienne ; le monde moderne anonyme...
Tripoli, la capitale, les offre toutes au visiteur.

L'Arc de Marc Aurèle (163 apr. J.-C.).


Rue de la médina qui conduit au consultat de France.


La ville "italienne".


La Tripoli moderne.


Pas de femmes, mais un homme
Ce qui surprend, quand on découvre la Libye après avoir voyagé dans la plupart des pays musulmans, du Maroc à l'Ouzbékistan, c'est la quasi absence des femmes dans les rues. Il est vrai que nous y étions pendant le Ramadan, l'explication que nous a donnée notre guide.
Mais par contre, affichée partout en grand, la photo de Mu'amar Kadhafi, le "guide" inamovible de la Jamahiriyya ("l'Etat des Masses").
Aussi bien sur la façade de l'ancienne citadelle, aujourd'hui moderne et riche Musée National, entre l'immense Place Verte et la médina...


... qu'en pleine nature, comme ici, à l'est de Benghazi, près du monument qui rappelle d'où est parti le bouillant jeune colonel faire sa Révolution.


Pourquoi être allé en Libye ?
A 26 ans, je suis parti travailler au Maroc où je suis resté pendant sept années, et c'est là que j'ai découvert que l'on pouvait vivre autrement. J'ai étudié l'histoire du pays, l'islam, sa religion officielle, et je finis par parler suffisamment l'arabe, dit dialectal, pour communiquer avec les Berbères et les Arabes qui ne maîtrisaient pas assez ou pas du tout le français. Je me suis passionné pour cette civilisation si différente de la mienne, je me suis enrichi à son contact.
Revenu au bercail, j'ai voulu garder le contact avec cette terre nourricière de mes années de formation, et connaître les autres pays qui me rappelleraient le Maroc.
Ainsi, je les ai tous recherchés, de l'Algérie à l'Ouzbékistan, ne manquant que l'Irak... et l'Arabie, mais non pas le mystérieux et fascinant Yémen : Sanaa, le Hadramaout et ses gratte-ciel en terre, Ma'rib où aurait vécu la Reine de Saba...
Et bien naturellement, la Libye...

Rencontre à Ghadamès.


Notre voyage en Libye
D'ouest en est, sur de belles routes avec peu de circulation.



















Sabratha
. Le théâtre

Le théâtre de Sabratha (fin IIème apr. J.-C.) le plus grand d'Afrique qui pouvait accueillir 5.000 spectateurs, est inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1982. Son pulpitum, juste sous le sol de la scène, est particulièrement bien conservé.

Lepcis Magna, la ville de l'empereur Septime Sévère (146-211), l'une des plus grandes métropoles de l'Empire romain.
L'arc de Septime Sévère, à l'entrée du site.

Septime Sévère, né à Lepcis Magna, régna de 193 à 211.

Lepcis Magna. Le théâtre

Le théâtre, premier du genre en Afrique, fut construit au Ier siècle de notre ère.

Benghazi. La cathédrale italienne.

Benghazi, capitale de la Cyrénaïque. Presque entièrement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville fut hâtivement reconstruite.

Cyrène, première cité grecque en Afrique, fut classée au Patrimoine mondial de l'UNESCO en 1982.

Ville basse et sanctuaire d'Apollon
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Cyrène. Le forum dans la ville haute.

Cyrène fut la première cité grecque d'Afrique. Les ruines datent pour la plupart de la reconstruction de la ville par l'empereur Hadrien après la révolte juive de 115-117.

Al-Athrun. Basilique paléochrétienne.

La basilique/cathédrale de Al-Athrun, sauvée de la complète disparition par un Poitevin, rappelle la présence des chrétiens dans cette région à la fin de l'Antiquité.

Kasr al-Haj. Grenier fortifié.

Nous avons quitté la route côtière et nous nous enfonçons dans le pays. Avant d'attendre le désert, nous rencontrons plusieurs greniers fortifiés à l'allure extérieure de forteresses à proximité de villages berbères. A l'intérieur, s'ouvrent de nombreuses cellules superposées dans lesquelles les villageois entreposaient leur récolte afin de la protéger des vols ou des rapines.



Puits dans le désert.



Ghadamès. Mosquée soufie dans la médina.



Ghadamès. Rue couverte et puits de lumière dans la médina.

La vieille ville a été édifiée au XIIIème siècle dans la pure tradition de l'architecture berbère. Elle a été bâtie pour parer à la fois aux grandes chaleurs estivales - jusqu'à 55° - et à une certaine rigueur hivernale. C'est un entrelacs de ruelles et de galeries percées à intervalles réguliers de puits de lumière. Aujourd'hui abandonnée - une ville moderne a été construite tout à côté - la cité a bénéficié d'un programme de réhabilitation financé par les Nations Unies.

Il aurait fallu continuer notre voyage jusqu'à la fascinante Tadrart Akakus avec ses gravures issues de l'art préhistorique et tribal, mais Yves s'y était déjà rendu quelques mois plus tôt, alors... les gravures pourront m'attendre encore un peu... ou pour toujours...

6 févr. 2011

Montreuil-Bellay, une nouvelle entrée dans la ville

Qui longe la place Toussenel, au haut de l’avenue du Pont-Napoléon, imaginerait difficilement que cette entrée dans la vieille ville n’est pas très ancienne. Il suffit pourtant de regarder le pied des maisons qui la bordent et de découvrir plusieurs marches plus ou moins nombreuses avant de pénétrer dans les rez-de-chaussée pour constater que quelque chose à changé.
Flèches jaunes en pointillés : Marches conduisant aux rez-de-chaussée.
Flèche jaune pleine : Rocher primitif sous l'ancien café Moreau.

Cette place n’existe que depuis 1772. Auparavant, on arrivait de Saumur par la rive droite du Thouet, et non pas par l’autre rive comme aujourd’hui. Une rue conduisait de la Porte Nouvelle à la Porte Saint-Jean d’où l’on continuait vers Thouars.

Pour Passer le Thouet.
D'hier à aujourd'hui
Au Moyen Age, le voyageur venant d’Angers descendait la rue Chèvre, retrouvait au bas du coteau un piéton ou un charroi arrivé de Saumur via Le Coudray-Macouard. Tous deux traversaient le Thouet par un gué en amont de la Tour du Boëlle. Alors, soit ils montaient dans la ville haute par la rue du Tertre, entre le château et la place du Marché, soit ils contournaient l’escarpement au bas de l’Ardenne pour continuer vers Thouars ou Loudun.
Au XVème siècle, les seigneurs construisirent une ligne de ponts parallèles au gué.

Deux ponts alignés joignaient les deux rives en s'appuyant sur une île centrale. Rive droite, le pont accostait entre la tour du Boëlle et un poste de péage, aujourd'hui l'Auberge des Isles, non représentée ci-dessus. (Peinture sur une poutre de la Maison Dovalle)

Il reste plusieurs plusieurs arches ruinées contre la rive gauche et des piliers dans le lit de la rivière.

Lorsque ces ponts successifs s’effondrèrent en 1577, un bac – on disait alors charrière – transborda piétons et charrois d’une rive à l’autre au niveau de la Porte du Moulin.


















Sur la gauche de ce dessin de 1699 de Gaignières, le bac qui allait de la rive gauche du Thouet au pied du moulin du château, rive droite.





















Ancien terre-plein d'accostage de la charrière rive gauche du Thouet.


En 1710 fut enfin décidée la construction d’un nouveau pont, à l’emplacement de l’actuel, mais adossé à la rive gauche. Après l’avoir traversé, on gagnait la ville haute en longeant la propriété de la Minotière et en empruntant les douves pour atteindre la place des Ormeaux après avoir franchi la Porte des Fontaines aujourd’hui complètement disparue.

Plan daté de 1772 avec indication de la traversée du Thouet avant le percement de la rampe.
- A : Entrée du pont (1710) rive gauche pour les voyageurs venant d'Angers ou de Saumur.
- B : Contournement de la Minotière.
- C : Ancienne porte des Fontaine. La rue des Douves se trouvait alors plus basse que l'actuelle.
- D : Place des Ormeaux.
- E : Nouvelle place Toussenel. Laflèche vers la droite conduit à la Porte Saint-Jean pour gagner Thouars ou Loudun.


C’est en 1772 que fut percée la rampe de l’avenue du Pont-Napoléon qui permit l’accès direct à la ville close. Pour adoucir la pente, on abaissa le sommet jusqu’à l’Hôtel de Londres devant lequel on retrouve le sol primitif. D’où toutes ces marches pour conduire aux rez-de-chaussée qui rappellent le niveau primitif visible encore dans le soubassement rocheux de l’ancien café Moreau.
Le pont de 1710 s’effondra à son tour en 1798, provoquant la construction, en 1810, de l’actuel pont dit Napoléon, cette fois au milieu du lit du Thouet.

Le 29 août 1944, ce nouveau pont fut détruit à son tour par les Allemands qui fuyaient la région devant l'avancée des Alliés. Une traversée du Thouet fut aménagée légèrement en amont de la chaussée du moulin de la Salle mais la passerelle, mal agencée, fut emportée par la première crue de la rivière.
Une passerelle plus solide et mieux arrimée fut accolée au pont Napoléon. Elle servit jusqu'au 10 février 1948, date de l'inauguration de l'ouvrage rebâti. On avait profité de sa reconstruction pour l'élargir.

"Marcher au pas", est-il indiqué à l'entrée de la passerelle provisoire accolée au pont Napoléon ruiné depuis août 1944.

Passants, automobilistes qui avez à faire dans le vieux bourg, ou qui avez choisi de le traverser plutôt que d’emprunter la moderne déviation, voyez ces marches. Elles ont une histoire que vous connaissez maintenant.

L'hôpital Saint-Jean de Montreuil-Bellay

Pour l'historique de cet ancien hôpital, voir l'ouvrage de Geneviève Sigot :


- L'hôpital Saint-Jean ou Les Pauvres à l'hôtel-Dieu, Montreuil-Bellay 1300-1800
Geneviève Sigot. 230 pages.  ISBN : 978-2-905941-04-6

Pour la première fois, l’Hôpital Saint-Jean de Montreuil-Bellay, petite ville aux confins de l'Anjou et du Poitou, surgit de son lointain passé dans ce livre précis et passionnant. Grâce à son décryptage de manuscrits anciens, Geneviève Sigot donne vie à l’aumônerie et à l’hôtel-Dieu d’autrefois. Avec elle, l’hôpital livre ses secrets, dont certains bien cachés dans l’ombre de ses murs ou sous les dalles de sa chapelle.

Pour l’auteure, l’Hôpital Saint-Jean est plus qu’un monument ou une institution charitable dont l’histoire, sur cinq ou six siècles, serait «contée», et ce dans le cadre d’une petite ville de France à l’image de milliers d’autres qui lui ressemblent. Il devient personnage, s’anime à travers ses hôtes sans lesquels il n’existerait pas. Voici ses gouverneurs ou ses prieures avec qui il se confond, voici les Pauvres à qui il est destiné et qui lui donnent son âme.

Avec ces Pauvres sans nom et sans biens qui sont au cœur de cette étude, le livre de Geneviève Sigot devient quasi intemporel. Car les questions qu’il pose et qui nous interpellent – qui sont-ils et quelle est leur place dans la société ? et que faire d’eux ? – sont toujours actuelles.

Voir dans Editions de la Houdinière.

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L'ancien hôpital de Montreuil-Bellay vient d'être restauré. Il devrait devenir un musée.

L'ancien hôpital Saint-Jean, construit au XVème siècle par les seigneurs d'Harcourt, est adossé à la muraille de la ville close ; il jouxte la porte Saint-Jean qui donne accès à la ville close au sud.

Ci-dessous, l'ancien église/hôpital au début du XXème siècle...



... et en février 2011.


Quelques détails architecturaux :












Quand furent ajoutées au XVIIIème siècle des colonnes pour porter un plancher afin d'aménager des combles au-dessus de la salle des malades (voir ci-dessous), on mura d'anciennes fenêtres du XVème et on en ouvrit de nouvelles plus grandes.


Peinture murale dans la chapelle : saint Martin donnant une moitié de sa cape à un pauvre ; en réalité lui donnant la seule qui lui appartînt, l'autre étant propriété de la Légion.